L’émission Capital de ce dimanche 18 février aborde le thème « Vacances : peut-on encore s’évader à petits prix ? ». Le premier reportage, diffusé dès 21 h 10 sur M6, s’interroge sur le coût des voyages en train.
Nous n’avons pas vu le reportage. Nous le découvrirons en même temps que vous lors de sa diffusion (à voir en replay ici). Néanmoins, nous avons écrit cet article en amont car nous souhaitions d’ores et déjà donner une réponse.
Le reportage de Capital (M6)
Voici le résumé de l’émission proposé par Capital et diffusé ce dimanche 18 février 2024 :
Le train n’a jamais eu autant la cote qu’aujourd’hui ! Avec 24 millions de passagers en deux mois, les lignes de la SNCF ont battu tous les records de fréquentation l’été dernier. Car le rail serait la solution pour voyager sans polluer. Problème : le train coûte de plus en plus cher ! Depuis dix ans, les tarifs de la SNCF n’ont jamais été aussi hauts. Alors comment le tarif de votre billet est-il calculé ? Et pourquoi augmente-t-il sans arrêt ? Les opérations de mise en vente massives de billets par la SNCF annoncées à grand renfort de publicité garantissent-elles de bonnes affaires ou au contraire font-elles monter encore plus rapidement les prix ? Quel est le secret de Trenitalia, le challenger italien de la SNCF, pour être en moyenne 30 % moins cher sur la ligne Paris – Lyon, la seule ligne intérieure ouverte à la concurrence ? Politique tarifaire qui profite d’une offre inférieure à la demande, restrictions sévères sur la distribution de billets, TGV envoyés au rebut bien qu’en état de fonctionner… les équipes de Capital ont enquêté sur ces prix qui déraillent.
Pour information, les reportages suivants de cette émission abordent les prix cassés dans la thalasso et les hébergements « gratuits » via HomeExchange.
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Pourquoi le train est de plus en plus cher ?
La question du prix du train, nous l’abordons dès les premières pages de notre livre « Voyager en train en France ».
La réponse est complexe, car il y a différents types de train. Et tous ne sont pas financés de la même façon. On vous laisse découvrir tout ça dans notre livre. 😉
Les coûts d’un trajet en TGV
Le reportage diffusé sur M6 aborde le prix des billets de TGV. Ces derniers fonctionnent aujourd’hui en « service librement organisé ». C’est-à-dire que la SNCF (ou toute autre compagnie ferroviaire) supporte tous les coûts d’exploitation. Il n’y a pas de subvention. Ces coûts de fonctionnement sont financés uniquement par les prix des billets. Donc, oui, a contrario des TER ou Intercités, ce sont nous – les voyageurs – qui payons directement l’intégralité des coûts du voyage en train.
Et un trajet en train, ça coûte cher. En grande partie à cause du prix des péages ferroviaires. Ces péages permettent de financer et d’entretenir le réseau ferré. En France, il est l’un des plus élevés d’Europe. C’est aussi pour ça que le prix du train est moins cher chez nos voisins. Ainsi, les péages représentent 40 % du coût d’un trajet en TGV. Il y a aussi 10 % de TVA. L’État français décide donc de 50 % du coût (en imposant à SNCF Réseau de couvrir toutes ses charges par elle-même grâce à la recette des péages).
Pour mieux vous expliquer, voici la décomposition du coût d’un trajet en TGV (une illustration tirée de notre livre) :
Pour faire baisser le prix de nos trajets en TGV, pas de secret : il faut que le coût des péages ferroviaires et/ou de la TVA baisse ! Les autres coûts nous paraissent incompressibles (énergie, charge de personnel et coûts du matériel).
Réinventer le financement du rail : un choix politique
Cette baisse des péages ferroviaires et/ou de la TVA serait effectivement un coût pour les finances publiques. Mais que l’État se rassure. Il y a bien d’autres sources de revenus à trouver ailleurs. Nous les avons évoqués dans « notre manifeste pour le train de demain » :
- Instaurer un ISF vert sur le principe du pollueur / payeur (les 1 % les plus riches représentent 7 % des émissions de CO2 en Europe) et basée sur la nationalité européenne (peu importe où on habite, tous les citoyens de l’Union Européenne devront y participer).
- Taxer le kérosène au même niveau que les carburants conventionnels (gazole, sans plomb…).
- Réorienter les subventions des aéroports vers le développement du ferroviaire.
- Réorienter les crédits pour la construction de nouvelles routes vers la création et la rénovation de lignes de chemin de fer.
L’exemple italien pour la baisse des péages ferroviaires
En 2015, en Italie, l’État a baissé de 38 % le prix des péages sur le réseau ferré à grande vitesse1.
Il y a eu deux effets :
- une augmentation de l’offre ferroviaire, avec plus de train en circulation en Italie
- et une baisse du prix des billets de train de 30 à 40 %.
Comment sont fixés les prix des billets de train ?
Vous l’avez sûrement remarqué, en prenant le train, dans une même voiture, d’un siège à l’autre, les prix des billets sont complétement disparates. Pour le même trajet, un passager peut avoir payé 3 ou 4 fois plus cher son billet que son voisin !
Pourquoi ? En fait, la réponse est assez simple. Hormis pour ceux ayant bénéficié d’un tarif préférentiel grâce à leur carte de réduction, les voyageurs n’ont pas acheté leur billet de train au même moment.
La pratique commerciale du yield management à la SNCF
La SNCF met en vente ses billets selon une technique du yield management (à traduire littéralement par « gestion du rendement »). C’est une pratique qui consiste à faire varier les prix en fonction de la demande. D’abord appliquée dans le secteur aérien et dans l’hôtellerie, la SNCF l’a adoptée à partir de 1993 sur ses grandes lignes en abandonnant son tarif kilométrique.
C’est-à-dire qu’il y a différents tarifs, qui augmentent par paliers selon le remplissage du train. Concrètement, plus un train se remplit, plus les billets deviennent chers. Par exemple, il y a 15 billets à 29 €, les 15 suivants sont à 35 €, etc. jusqu’au prix le plus élevé disponible avant que le train affiche complet.
Cette technique permet d’accroître le taux de remplissage du train en incitant les voyageurs à réserver le plus tôt possible. On ne vous le dira jamais assez : soyez au rendez-vous lors des ouvertures de vente pour bénéficier des meilleurs prix !
Nous regrettons évidemment ce système dans un contexte où la demande est bien supérieure à l’offre. Tout le monde se connecte en même temps. Le prix des billets augmente à une vitesse folle. Et c’est forcément préjudiciable (même pour SNCF Connect qui voit son site planter en cas de forte affluence !)…
Il y a néanmoins plusieurs astuces pour acheter son billet de train au meilleur prix. Même si effectivement, ça peut donner mal à la tête pour bien tout comprendre !
Pages issues de notre livre « Voyager en train en France ».
Si vous souhaitez être informé des dates d’ouverture des ventes, des dernières actualités du site ainsi que de nos bons plans, entrez simplement votre adresse mail ci-dessous :
Comme vous le verrez dans l’émission Capital, nous allons maintenant vous détailler le coût de notre trajet de Rennes à Strasbourg.
L’exemple de notre trajet Rennes – Strasbourg en train
Lors de l’ouverture des ventes pour les billets de train du printemps, nous avons réservé un trajet de Rennes à Strasbourg (5 heures de train, en direct). Nous partons donc à 4 (2 adultes + 2 enfants de 6 et 8 ans) et nous avons une carte Avantage. Cette dernière nous permet 30 % de réduction sur nos billets et 60 % de réduction sur le prix des billets de nos filles.
🖱️ À lire aussi : La carte Avantage SNCF : le guide complet
À 6 heures du matin, le prix affiché était de 176 € pour nous 4. À 6 h 10, il était à 194 €. Près de 3 semaines après, à la rédaction de cet article, le prix est de 272 €.
En comparaison, nous avons fait une simulation sur Via Michelin pour ce même trajet Rennes – Strasbourg. Le coût en voiture est d’environ 150 € pour les péages et le carburant (sans compter l’usure du véhicule), pour 8 h 50 de route.
Pour ce trajet, nous n’avons pas appliqué nos propres conseils. Nous partons un samedi de départ en vacances. En partant le lundi, le billet était moins cher (154 € de mémoire). Cette réservation Rennes – Strasbourg est en fait la première partie d’un voyage qui s’avère bien plus long. Pour les vacances de ce printemps, nous partons jusqu’en Sicile en train.
(Petite note : nous passons par la Suisse pour nous rendre en Italie suite à l’éboulement survenu dans la vallée de la Maurienne en août 2023 et qui a entraîné une fermeture de la ligne entre Paris et Milan.)
© carte voyagerentrain.fr
Le prix d’un trajet Rennes – Sicile en train
En toute transparence, comme nous le faisons toujours, voici le coût de nos billets de train (pour 2 adultes + 2 enfants) :
ALLER
- Rennes – Strasbourg, 176 € en TGV
- Strasbourg – Bâle (Suisse), 39,10 € en TER
- Bâle – Milan (Italie), 126 € en train Eurocity
- Milan – Catane (Italie), 183,60 € en train de nuit
Soit un total de 524,70 € pour faire Rennes – Catane.
RETOUR
- Syracuse – Milan (Italie), 155,80 € en train de nuit
- Milan – Bâle (Suisse), 126 € en train Eurocity
- Bâle – Strasbourg, 39,10 € en TER
- Strasbourg – Rennes, 248 € en TGV
Soit un total de 568,90 € pour faire Syracuse – Rennes.
Le trajet aller-retour de la Bretagne jusqu’à la Sicile nous coûte ainsi 1 093,60 € pour nous 4.
Le prix d’un trajet Rennes – Sicile en avion
Et si vous aimez les comparaisons, voici le coût de ce trajet aller-retour en avion (prix constatés le 24 janvier 2024) :
VIA NANTES
- Rennes – Nantes, 17 € en voiture + 124,60 € de parking pour 2 semaines
- Nantes – Catane, 1 282,80 € avec EasyJet + 299,92 € pour les bagages
Soit un total aller-retour de 1 724,32 €.
VIA BEAUVAIS
- Rennes – Beauvais, 134 € en voiture (péages + carburant) + 90 € de parking pour 2 semaines
- Beauvais – Catane, 760,75 € avec Ryanair + 253,59 € pour les bagages
Soit un total aller-retour de 1 238,34 €.
Réservation de nos billets de train, sous l’œil de la caméra de M6 – © photo voyagerentrain.fr
En conclusion, un déséquilibre entre l’offre et la demande
Au milieu des années 2010, faute de voyageurs et dans une logique d’optimisation financière, de nombreux TGV ont été mis au rebut prématurément2.
Après la crise sanitaire et face à un début de prise de conscience écologique collective, les français se sont tournés vers le train. Sauf que l’offre est aujourd’hui bien insuffisante. Aussi, sur les périodes d’affluence, quel que soit le prix des billets, les TGV afficheront complets. La SNCF n’a donc aucun intérêt à baisser ses prix… surtout quand l’État lui demande de financer seule le réseau ferroviaire3 !
Une commande de 115 nouvelles rames a bien été passée (le fameux TGV-M, ou TGV Inoui 2025 !). Néanmoins, la livraison commencera au mieux en 2025 à raison de 12 trains par an. Ce n’est donc pas demain que nous verrons une augmentation de l’offre et, par conséquent, une baisse du prix des billets de train ! 🙁
Au final, le prix du billet de train est avant tout une question politique.
Et, nous le répétons encore une fois, il devient urgent de financer rapidement et massivement le train.
Sources
- Le patron de Trenitalia France appelle à réduire les péages ferroviaires pour faire baisser le prix du train // leparisien.fr ↩︎
- Y a-t-il moins de TGV en circulation aujourd’hui qu’il y a 10 ans ? // trans-missions.eu ↩︎
- Budget 2024 : le Sénat met en garde contre un modèle de financement du réseau ferroviaire qui « pourrait se répercuter sur les prix des billets » à la SNCF // publicsenat.fr ↩︎